Vendredi 23 octobre 2009 - Paris 20eme - Franky Montana me reçoit dans les locaux de Générations 88.2, une semaine après s'être croisé une première fois lors de l'enregistrement de l'emission de Pascal Cefran consacrée au rappeur belge Scylla (du collectif OPAK) qui venait présenter son premier maxi solo Immersion (toujours dispo sur justlikehiphop). Après une quinzaine de minutes consacrées au Paris Saint Germain (dont il porte fièrement les couleurs), au Virage Auteuil et aux Lutèce Falco, nous voilà parti pour 2 heures de discussion Hip Hop...une autre passion commune...
[première interview de ma "carrière", première question lol]
MacroPolo : on va commencer par le début, origine du blaze, Franky Montana, ça vient de Tony Montana, on est d’accord...
...Ah non pas du tout !!! (rires) Mon prénom c’est Franck, depuis que je suis gamin tout le monde m’appelle Franky et en fait Montana c’est en rapport avec mon passé, j’ai fait pendant au moins 8 ans du graffiti et Montana c’est une marque de bombe dont je me servais. J’utilisais aussi d’autres bombes comme Spray color ou Sparvar mais j’me voyais pas m’appeler Franky Spraycolor… J’avais un deuxième surnom Bikiz, en fait mon tag c’etait KIZ, quand on était gamins on mettait le B derrière pour B-Boy et j’te parle de ça c’etait entre 1985 et 1990, tous mes potes m’appelaient en verlan et ça a donné B-Kiz et c’est pour ça que ce nom est resté et Montana c’est venu après les premieres mixtapes on va dire entre 1995 et 1998. Il y en a qui m’appelle Franck White aussi, le roi de New-York (ndlr. Christopher Walker dans The king of new York 1990) un film que j’ai kiffé et j’ai souvent, étant jeune dans le hip hop, été le seul « blanc » entouré de renoi dans les soirées, concerts, etc…et si tu regardes le film Franck White est le seul blanc de sa bande et c’est le chef (rires)
Premier contact avec le Hip Hop :
Comme tous ceux de ma génération c’est H.I.P.H.O.P en 1984, tu regardais l’émission et après tu te retrouvais avec d’autres potes dehors à essayer de breaker sur un bout de carton, sur un tapis…Moi personnellement je ne dansais pas mais je kiffais tout ce qui était ambiance, la musique, le son un peu electro-funk, le début du smurf quoi et j’étais vraiment dans cet univers là, tout le temps avec des breakers mais ce n’a jamais été mon délire et ça l’est toujours pas (rires). Un peu plus tard j’ai taggé la 1ere fois en 1986, on peut dire que le premier vrai truc qui m’a intéressé dans le Hip Hop c’était le graffiti.
Sur des terrains vagues ?
Nan, en pleine rue, moi mon délire, ce qui m’a plu avec le graffiti, c’était même pas le vandalisme, parce qu’à la base on était une micro société, on était pas beaucoup, on se « connaissait tous ». Je taggais dans mon coin le 93 mais aussi dans les lieux cultes comme Stalingrad, j’allais jusqu’à la Villette, à Garibaldi, à Convention où il y avait une espèce de terrain vague derrière une école d’art puis plus tard il y a eu des gros spots un peu partout parce qu’ils faisaient des travaux et qu’ils cassaient des bâtiments et ça se transformait en terrain vague comme à Voltaire par exemple. Mais mon délire c’était la rue, je m’en battait les couilles, sur les bus, les métros, les trains, les RER, c’était vraiment le coté marquer son nom, comme dans le rap, c’était le délire compétition qui m’a plu le plus dans le hip hop, c’était à celui qui en faisait le plus, le mieux, etc…Le tag c’était vraiment mon délire, j’ai vu à l’époque les premiers graffiti qui sont arrivés sur Paris avec SQUAT,SIGN,BOXER,BANDO,BBC (SKKI, JAY, ASH),JONONE,MEO,MODE 2, COLTER, STEPH, MUCK, LOKISS…
Ta rencontre avec Tecnik et Poska
Alors l’ami Tecnik on se connaît depuis pfff…on avait 7/8 ans, on était dans le même club de foot, on habitait pas spécialement loin l’un de l’autre, on avait des potes en commun et après on était au lycée ensemble.
Et Poska je sais plus comment on s’est rencontré mais ça a été dans le délire du graffiti en fait, lui habitait à la base à Noisy-le-grand et moi je venais de Neuilly-Plaisance juste à coté, par le biais du graffiti on est devenu pote. On a du se connaître début 90 et jusqu’à la premiere mixtape en 1994 on a du tagger, faire des trucs de jeunes, etc...Et lui au niveau de la musique il touchait aux platines, nous avec Tecnik on voulait s’amuser à rapper et la composition de base de notre groupe LYR-X est venue assez rapidement.
Produisais-tu des sons pour le groupe ?
Non,ça ne servait à rien de multiplier les casquettes, Tecnik à la base avait une formation de zikos il a joué de la batterie pendant je ne sais pas combien d’années… pour moi c’est un des meilleurs programmateurs en France qui ait existé, je te le dis franchement, lui quand il samplait un truc il trouvait toujours la bonne rythmique, les bons sons à utiliser avec la boite à rythme et tout…et Poska produisait déja à l’époque.
Donc en gros les débuts dans la musique, t’es jeune, tu kiffes la zik, t’as envie de t’essayer au rap, les platines à force c’est saoulant donc t’achètes un sampleur et voilà.
Tes influences à l’époque, tes motivations ?
Ma motivation première à faire des mix-tapes venait du faite que quand on était petit entre 1983 et 1988 en banlieue, les cassettes circulaient dans tous les sens ... quand quelqu'un avait fait une cassette mortelle avec des disques trouvés à droite à gauche dès lors cette cassette était dupliquée par toute la cité...les cassettes des émissions de Dee Nasty sur Radio Nova aussi étaient copiées dans tous les sens ...c'était ça les 1ères mix-tapes....Celles de DEE NASTY, de son émission de radio (rires) donc par la suite, même si nos tapes étaient payantes, j'avais l'impression de perpétuer cette ambiance.
J’ai eu la chance gamin de me retrouver dans les escaliers de Radio Nova, ça devait être entre 1986 et 1988, je me rappelle le jour ou j’y suis allé il y avait Ministère A.M.E.R qui rappait mais il y avait tellement de monde qui rappait que tu ne pouvais même pas avoir accès au studio ni même au couloir qui allait au studio…c’était limite si j’étais pas que dans les escaliers…on taggait dans les escaliers…franchement s’ils avaient pu récupérer les briques des escaliers de Radio NOVA à l’epoque…c’était du lourd, tout le monde avait taggué la dessus…
Au niveau des premières influences je dirais EPMD, Rakim, vraiment les trucs qui te poussaient à t’interesser à rapper, Eric B., les trucs de Sermon, peut-être les premiers Gangstarr, début 90 c’était ça.
On peut acter la création du groupe Lyr-X à quel moment ?
De toute façon LYR-X a eu une courte vie, premier son en 1994 "le cauchemar (du rap français)" sur
même pas pour vendre juste pour se faire un peu connaître, on l’a sortie exactement en même temps que la 1ere mixtape What’s the flavor, en septembre 94, juste après l’été.
A l’epoque je travaillais dans un magasin de disque mythique à Châtelet L.T.D de 1994 à 1998,c’etait là-bas que ça débitait, il y avait aussi Tikaret à Stalingrad où on ramenait nos k7 et un autre magasin aux Halles dont je me souviens plus du nom et qui vendait des sapes et des k7, les premières mixtapes, mais L.T.D c’etait vraiment là où était centralisée la plus grande partie des ventes de mixtapes ainsi que le début du vinyl de rap français par contre en chiffre je pourrais pas te dire…mais si on avait du liquider 500 cassettes, c'était sûr qu’on l’aurait fait.
Et il y avait déjà un public mixtape à l’époque ?
Dès quelles sortaient ça partait direct…Cut Killer a été le 1er à faire une mixtape, il avait peut-être plus la chance que nous d’aller aux Etats-Unis et quand il était revenu, je ne sais plus qui il avait pris pour référence mais de souvenir ça devait être Mister CEE, Tony Touch, EVIL D, dj Premier, c’est vraiment les premiers gars qui ont fait des tapes je pense
Ces premières mixtapes américaines arrivaient à Panam dans les magasins que tu m’as cité ?
Nan, les mecs qui allaient là-bas ramenaient et on se faisait des copies K7 mais Cut Killer a été le premier à faire des mixtapes en France et quand il a sorti sa 3eme mixtape toujours en 1994, nous on a sorti la notre et je crois que Clyde aussi était à sa première à ce moment là. De toutes façon les 3 premiers à avoir sorti des tapes c’était Cut Killer, Clyde et Poska. Mais pour la petite histoire, on a eu « le plan » pour sortir la première mixtape sérigraphiée avec notre blaze sur la cassette, célophanée et tout... Les 3 premières cassettes de Cut Killer c’était encore artisanal, du type cassette TDK, qu'il copiait et recopiait.
Au niveau des blazes :
LYR-X : le X pour l’anonymat parce qu’au début on voulait pas montrer nos gueules et le mot lyrics ça veut dire les paroles
Funky Maestro : Funky parce qu’on a toujours kiffé la Soul et le Funk, et que les premières musiques qu’on souhaitait composer c’était un peu dans ce délire là
What’s the flavor ? : C’est moi qui ai trouvé ça dans un magazine The Source, c’est le nom d’un single de Young MC et il y avait une pub dans le magazine avec marqué « What’s the flavor ? » et j’me suis dit c’était mortel parce que quand tu sors des mixtapes c’est comme quand tu sors des magazines mensuels, ça doit présenter ce qu’il y a en ce moment, la saveur du moment, dès lors « Quel est la saveur du moment ? », j’ai trouvé que le nom était marrant.
Pour remplir les mixtapes, comment vous fournissiez-vous en vynil ?
L.T.D, j’y travaillais donc c’était facile, j’avais un nombre de disque offert par mois vu que j’étais employé là-bas et en plus si jamais il y avait des disques que je n’achetais pas ou qu’on m’en faisait pas cadeau, je pouvais emprunter ce que je voulais…quoiqu’il se passe j’avais tout…
D’où les 11 mixtapes sorties en 1995…
Moi je voulais vraiment faire comme si c’était un magazine et comme j’étais dans la boutique c’était facile pour moi de gérer les stocks et d’imposer ces tapes, après il y avait le talent de Poska qui était derrière donc quoi qu’il se passe quand on vendait une tape on se foutait pas de la gueule des gens…
1-on avait le son, vraiment tous les morceaux du moment
2- mixé par un bon DJ
3- bien conseillé vu que j’étais vendeur dans la boutique, j’écoutais les sons toute la journée, je m’y connaissais…
Tu sélectionnais les sons à mettre sur les tapes ?
En fait le travail de
normal
A propos de la #15 sortie en 1996 c'est bien une spéciale rap français ?
si quelqu'un a la face avant de la pochette : macropolonais@msn.com merci
la #15 était la 1ere cassette mixée avec uniquement du rap français...que des vinyls sortis dans le commerce, qu'on avait kiffé avec un mélange de mecs "old school" et un peu de nouvelle école avec X-Men, La Cliqua,etc... on avait pas de vinyl de EAST, donc on a récupéré un freestyle pour lui rendre hommage et parce qu'on kiffait ce rappeur.
Des voyages aux states pour ramener des vinyls ?
Non, la premiere fois que je suis allé aux states c’etait vers 97/98
D’ailleurs il y a des photos sur les pochettes de la #28 et de la #29 où l’on voit Poska sur un toit de New-York non ?
Nan c’est à Paris sur le toit d’un bâtiment dans le 13eme (rires). Et en tout cas la premiere fois que je suis allé aux States j’ai pas ramené de disques parce que finalement tout arrivait ici. Nous par exemple à LTD on travaillait avec un fournisseur américain et on avait les disques avec peut-être une semaine d’écart maximum. C’était vraiment un repère hip hop dans l’Europe entière, t’avais des mecs qui venaient d’Allemagne, Belgique,Suisse ou je ne sais où, ils savaient que le point de repère à Panam, c’était le quartier des Halles déjà et LTD c’etait la petite boutique ou tout le monde venait dire bonjour etc…On vendait du vinyl, des mixtapes et des accesoires pour dj (feutrine, cellule, sac pour porter les vinyls, table de mixage et certainement des t-shirt,des trucs comme ça). J’ai taffé dans le magasin de 1994 à 1998 et le magasin a fermé en 1998 en plein boum du rap français…ma version c’est que les patrons n’en avaient rien à faire du hip hop, ils avaient fait ça pour le business et ils voulaient déménager de Panam, donc ils ont raté le bon train et c’est Urban Music qui a pris le relais…tous les gens qui ne savaient plus où aller, sont allés à Urban…
Entre les dj’s comment c’était à l’époque ? Une famille ? Il y avait une compétition entre vous ?
Un famille oui et non, en même temps le hip hop c'est toujours l'esprit de compétition. Il y avait Cut Killer qui était plus connu parce qu'il avait fait pas mal de soirées donc il avait déjà son public, après on essayait de ne pas mettre les mêmes sur les mixtapes, il y a aussi le délire de la pochette, il fallait qu'elle soit plus belle, etc...
Et au niveau de la duplication des mixtapes et de l’évolution des ventes :
On a commencé petit et c’est monté puis redescendu, le record c’est la #25, on l’avait faite en série limitée, il y avait de la demande donc on l’a ressortie, plus
Un mot sur le marché des mixtapes à l’époque, un truc complètement illégal…
C’était hip hop !!! Le concept vient des Etats-Unis, les groupes s’en servaient comme un outil promotionnel, les mecs donnaient leurs disques aux dj’s pour qu’il les mettent sur leurs k7 car ça permettait de véhiculer leurs sons parce qu’à l’époque il n’y avait pas beaucoup de radios qui jouaient ce genre de musique donc pour les groupes, se faire diffuser au maximum en donnant des titres en exclu aux djs ca créait du buzz.
En France, les morceaux qu’on mettait sur les mixtapes à l’époque c’était des trucs qui passaient pas en radio, qui sortaient même pas en France à grande échelle ou sous format CD. Par exemple Channel Live je ne crois pas qu’ils aient sorti un disque autrement qu’en import, Flatlinerz, Brand Nubian, Nine c’etait de l’import à chaque fois donc quoiqu’il se passait on ne faisait pas de mal à l’industrie du disque et c’est pour ça qu’il n’y a eu jamais eu quoique ce soit, jamais eu d’histoires etc..
Le studio La Chambre
Ca s'appelait comme ça parce qu'on a toujours été dans une chambre... Comme tout gamin, on a habité chez nos parents, au début c'etait chez Poska, puis chez Tecnik et enfin chez moi.Quand les parents arrivaient à saturation on bougeait tout le matos. Lorsqu'on a commencé à sortir les premières mixtapes et à se faire un peu d'oseille, on s'est permis de prendre un petit local et d'acheter au fur et à mesure du matos, Tecnik était un mordu de machines et notre volonté première était de faire du son chez nous, d'être indépendant.
Le logo Funky Maestro
Le logo c’est un maestro qui guide l’orchestre tout simplement, c’est Jay One des BBC qui nous l'a fait, j’etais un grand fan de lui (et je le suis toujours) quand j’etais petit, je l’ai rencontré un jour aux halles, il a accepté et m’a fait 10 dessins en 1 semaine, j’ai pété un cable sur un dessin, il m’a pris une misere, et je le remercierai jamais assez...
Au niveau structurel, Lyr-X Records, Phunky Maestro Flavor Production...
Lyr-X Records n’a jamais existé, on s’est vraiment structuré quand on a sorti notre premiere compilation chez Universal en avril 98
Justement, parlons du légendaire morceau/clash Oxmo Puccino vs Zoxea (Sages Po’) qui devait se trouver sur cette compilation :
Alors je vais t’expliquer la vraie histoire, il y a eu 15 000 cds qui ont été fabriqué et qui ont été cassé avec ce titre. On a fait ce morceau, c’etait celui qu’on voulait mettre en avant, c’etait un inédit, on avait produit le son, fait les enregistrements etc…et à 2 semaines de la sortie du skeud, la maison de disque Universal a reçu un courrier recommandé signé de la main de Kool Shen et de l’ancien directeur artistique de Warner qui était propriétaire des droits artistiques de Zoxea en disant clairement « on ne veut pas que Zoxea apparaisse sur ce projet »
Et au niveau de la séance d’enregistrement de ce morceau :
C’etait mortel !! Les mecs étaient chacun de leur coté, ils écrivaient chacun pendant que l’autre posait, ils se prenaient les vannes dans la gueule et après ils se répondaient…c’etait légendaire parce qu’Oxmo c’est pas quelqu’un qui fait ce genre de truc, Zoxea oui, on l'a vu par la suite. Et puis Oxmo c’etait notre gars, Poska a été dj un moment pour lui puis pour Pit Baccardi. Time Bomb, Kessey, dj Mars c’est des amis, on se connaissait depuis très très longtemps…donc voila ce titre n’a pas existé sur la version finale de la compilation mais on l’avait joué en radio à toute patate, on l’avait donné à tout le monde, on l’a fait exister et quelque temps après on l’a fait ré-exister en 1999 sur la tape « french touch freestyle » sous le nom « Bonus track…unreleased » (ndlr. un remix est également disponible sur le projet Funky Maestro all starz sorti en 2006) pour pas qu’on nous casse les couilles avec la mixtape mais quelque part on s’en foutait, ça aurait p'tet rien fait, de tout manière Kool Shen on se connaissait, après on s’est vu, on en a parlé et puis voilà.
Pour en revenir au projet en lui-même Cut Killer sortait ses Hip Hop Soul Party chez Universal, je travaillais dans le milieu du disque donc j’étais au courant qu’il avait bougé pour aller chez Sony donc la place chez Universal était « libre », j’ai cherché à joindre les personnes concernées et coïncidence heureuse, ces personnes cherchaient à nous joindre aussi, ils connaissaient nos mixtapes. Pour l’anecdote le directeur artistique qui nous a fait signer là-bas s’est retrouvé dans une soirée où mixaient Cut Killer et Poska et à ce qu’il parait Poska était ce soir là super en forme…le mec a tilté et on a fait la compile.
Et là c’est "jackpot" ?
Nan, quand tu fais des compiles, à moins d’en vendre de gros kilos…parce que t’es juste réalisateur, les titres ne t’appartiennent pas. Même si c’est nos choix de morceaux, en réalité on fait avec ce qu’on nous laisse. On fait une liste de 100 morceaux pour une compilation de 20 titres par exemple. Sur les 100 t’as 80 refus et faut espérer que sur les 20 accords ce soit des titres qu tu kiffes mortel. A l’époque tu recevais des fax que tu devais signer, c’était marqué que sur la compile le morceau devait faire 3min30, on avait nos magouilles, mais il ne devait pas y avoir de scratch sur les morceaux, pas de passe-passe, tu pouvais pas changer la vitesse…ça niquait le taf du dj mais les maisons de disque ou les managers aux states ils s’en battaient les couilles…mais bon je suis satisfait de la compile elle était mortelle,on faisait tout au studio La Chambre comme pour les mixtapes mais là ça sortait en CD avec plus de moyen, de
Revenons un peu aux mixtapes avec les 2 Bal justement qui ouvrent la série en matière de freestyle inédit rap français.
Sur la numéro 20, oui, c'était des potes de Chelles dans le 77, ils habitaient vraiment pas loin, on les kiffait. Et sur cette même tape il y avait Soul Swing que j'avais rencontré à la boutique, leur 2 dj's Majestic et Rebel venaient acheter du son et on est devenus potes, J'kiffais Soul Swing, je les avais vus dans Rapline à l'époque avec le combo de base Faf la Rage/Def Bond, K'rhyme le roi était encore backeur ou danseur, je ne sais plus, et on les a ramenés en studio pour kicker un freestyle.
Un mot sur les k7 exclusivement r'n'b, la #22 par exemple
Nous on kiffait ça vu qu'à la base on aimait la Soul et le Funk, dont le r'n'b est une sorte de dérivé. On avait sorti dans la série plusieurs mixtapes "New Jack" mais on s'etait trompé sur la signification du mot, à l'epoque, au début du r'n'b, on appelait ça "de la new jack" alors que déjà c'est "du new jack swing" c'est un courant musical qui a lié le funk et le r'n'b, le principe étant la présence de chant sur un beat hip hop."New Jack" était un peu le mot à la mode donc on l'a mis sur les pochettes (ndlr. mixtapes #3, 5,9,16,19,22 & 27) mais à partir de la #30 on a mis le mot r'n'b
Il y a avait dans la série comme sur la #10, des remix de rap français...
Je ne m'en souviens plus, mais c'était surement pour montrer qu'on savait faire de la musique, j'espère juste que c'était pas des instrus kainris qu'on avait mis derrière (rires)
La #23 special Time Bomb avec des frees d'Hill G, Hi-Fi, Pit Baccardi, Oxmo, Cassidy et Jedi
Mythique, franchement c'était magique. Pour cette mixtape ils étaient venus un par un, j'étais un gros fan de Gilles aka Hill G mais quand je l'ai enregistré je me suis vraiment dit que ce mec était un génie...Je me rappelle que pour son freestyle sur la 23, on avait pas fini de monter une cabine de prise de voix, on avait donc mis le micro dans la pièce principale, il a accroché son texte sur le mur, s'est mis face au micro et a dit "balance le son, je fais un test" il a marmoné vite fait son texte et sort "vas-y, on enregistre" on a appuyé sur la touche record et...1 prise... le mec limite il dansait, il avait trop d'feeling...sinon Oxmo rappait tranquillement assis sur une sorte de tabouret de bar. Les Jedi à l'époque on les suivait tout le temps, pour moi ces mecs ne sont pas à leur place aujourd'hui...Je trouve vraiment qu'ils ont du talent...
Un mot sur l'artwork de cette tape
J'ai joué au basket et le chiffre 23, la première chose qui te vient à l'esprit quand t'es jeune et fan de basket c'est Jordan mais ça a été un hasard que ce soit Time Bomb qui posait dessus...
La numéro 24
Afrodiziak : Grand fan de ce groupe, un des gars faisait partie de la famille des 2 Bal,d'où la connexion, en tout cas très content d'avoir retravaillé ensemble pour la What's the Flavor R'n'b sortie en 2002 chez Sony.
Hasheem : Un des pionniers du r'n'b en France !!
Busta Flex : Un mec qu'on a connu pendant l'enregistrement de la Freestyle de Cut Killer en 1995, il rappait avec son frère, ça s'appelait Original Blue Funk et Goldfingers était son dj donc connexion direct, on mettait en avant les amis...
Shankane : c'était l'ex-meuf à Cut Killer, elle rappait sur plein de ses projets, c'était une danseuse à la base, je ne sais pas ce qu'elle est devenue...
On arrive à la 25ème la 100% freestyle hip hop français
Après que Cut Killer ait sorti sa mixtape Freestyle en 1995 où nous avions posé d'ailleurs, on s'est dit " putain, il l'a fait donc on va le faire!" Pour les mecs qui sont venus poser c'est que des gars qu'on cotoyait, à la boutique ou en studio, plus les connexions des connexions, t'appelles un mec pour qu'il vienne enregistrer et il ramène un autre gars et ainsi de suite...A cette époque là il n'y avait pas trop de plans mixtapes/compiles donc les mecs étaient prêts à tout pour venir poser mais ça reste une mixtape de potes, on se connaissait tous t'façon...
Les gars de Time Bomb étaient venus cette fois-ci tous ensemble pour le long freestyle, il manquait juste Booba qui était en prison à ce moment là et c'est vrai que c'est LE regret...Alors t'avais tout Time Bomb dans le studio, Hill G ne devait pas poser sur ce freestyle, il ne sentait pas le truc et devait faire un solo sur la tape mais à un moment il dit "nan, le freestyle est trop lourd, j'vais faire un ketru", en fait il ne restait pas beaucoup d'instrumental à la fin et je flippais parce que je ne savais pas ce qu'il allait faire, il me dit "vas-y j'teste un truc", un texte qu'il avait déjà en tête...j'ai eu la chance d'appuyer sur le bouton REC...1 prise...et quand tu réecoutes le freestyle au moment où il finit son couplet c'est exactement le moment où s'arrête la musique...c'était magique...Si t'écoutes bien, je sais plus si on a laissé ou pas, mais juste après la dernière faz "et c'est le chaos en haut YES" dans le studio t'avais l'impression d'être au Parc des Princes, tous ses potes ont gueulé en même temps comme sur un but...et en sortant il me dit "alors on fait quoi j'le pose ?" (rires) je lui ai dit "mec tu reposes plus rien c'est enregistré!" On l'a réecouté et c'était magique...1 prise...il devait même pas être dessus...magique...
On niveau des instrus, on choisissait la plupart du temps, quand tu connais bien un gars au niveau artistique tu sais ce qui peut l'interesser mais les mc's avaient leur mot à dire. Sur le plan de l'enregistrement on a fait ça assez rapidement,4 ou 5 mois grand maximum pour tout enregistrer et la sortir en septembre 97. Au niveau de la photo à l'intérieur, les 2 gars c'est Tecnik et moi, on ne nous reconnait pas comme d'habitude...l'anonymat...elle représente le deal, on vendait les k7 comme du shit, pour un billet de 50 francs t'avais ce qu'il fallait...et la cible c'était pour montrer qu'on était comme "sous surveillance"
Futuristiq, Nasme, Agression Verbale je crois que c'était la 1ère fois qu'ils posaient sur un projet. En plus de ces derniers nous avions fait poser pas mal de gars de la future écurie Nouvelle Donne (Jerry Dafunkyla, Disiz), j'étais au lycée avec le cousin de Kodjo. Par la suite comme il cherchait un studio pour faire sa première compilation et qu'il avait kiffé le délire de la 25ème, on lui a ouvert les portes, enregistré et mixé quelques morceaux dont le son de Lyr-X "guérilla urbaine" en feat. avec Sully Séfil (Koalition).
Concernant la Yusiness c'est un groupe qu'on a managé et produit, ils venaient de Noisy le grand / Marne la Vallée. On a travaillé ensemble pendant une courte période mais ils ont connu une grosse exposition (ndlr. compilations Nouvelle Donne vol.1, Hostile Hip Hop vol.2 ; mixtapes Poska #25, dj James #9, dj Kost #10, dj Tal #6, Cut Killer Freestyle 2, etc...) ils étaient partout mais ils ont décidé de ne plus collaborer avec nous parce qu'ils étaient jeunes et qu'ils se faisaient gonfler la tête par d'autres personnes et depuis on ne les a plus revus...Tecnik a posé avec eux sur le maxi Prolific 3, un dérivé d'Arsenal, le morceau s'appelait "la fièvre du samdi soir" sur un gros sample d'Imagination ou quelque chose dans ce style, un truc super cramé mais on souhaitait que les dj's jouent ce son en boite, lieu où l'on diffuse généralement très peu de rap français.On les a également ramenés sur la compilation De Paris à New-York en 1998. On a eu la chance de travailler avec un artiste qu'on kiffait : Smoothe da Hustler, quand on nous a proposé de faire un son avec lui et ses gars, on s'est vraiment dit "truc de ouf". Concrètement pour faire le morceau on ne s'est jamais vu mais on leur a envoyé le thème ainsi que l'instru faite par nos soins, après à l'aide des machines, tu rajoutes les voix, tu synchronises et le tour est joué. Les producteurs de la compile nous ont réunis par la suite pour faire la promo.
Sur cette compile on retrouve un solo de Tecnik "tecnik microfonik" qui est pour moi le morceau le plus marquant de l'histoire de Lyr-X
Déja on peut constater que Tecnik était plus présent que moi au niveau du rap...Pour la petite histoire ce morceau a eu droit à un remix car Tecnik faisait quelques scènes à l'époque et ça défonsait encore plus.
Et on peut le retrouver où ce fameux remix ?
Nulle part (rires), que sur scène, ce morceau c'était sa carte de visite
Un mot sur la Face B dont on voit le logo sur la pochette de la 25 :
J'étais le manager et au niveau des dj's on avait Poska, Kost, James, Lord Chamy, Doze, Nasser & Sample. Au tout début il y avait même dj Majestic et dj Ralph.On voulait même que Cutee B vienne car il n'était pas dans la formation initiale du Double H. L'histoire de la création de la Face B c'est juste pour faire chier Cut Killer et son double H (rires), les mecs avaient le monopole et tout le monde ne parlait que d'eux...Donc on s'est décidé à monter un crew, individuellement on avait pas mal de buzz et on se connaissait tous. Je ne sais plus pourquoi ça s'appelait la Face B mais c'était surement pour le côté "underground", généralement sur les maxis vinyl, la face A c'était le single et la face B "le bon morceau", La face B c'était aussi le côté freestyle, instru, bref le double H ça pouvait être la "Face A" et nous la "Face B", les challengers en quelque sorte.
Je me suis toujours demandé si avec dj James vous n'auriez pas pu ramener un groupe comme NTM sur vos mixtapes ?
Inabordable...C'est un grand regret...Je sais que Kost a fait quelque chose avec Joey Starr, nous on les a contactés (au même titre qu'IAM) mais c'était ingérable, on a jamais réussi à les avoir. Déjà NTM,ils ne faisaient pas de featuring pendant de longues années, ils ne se greffaient pas avec les autres. Ils refusaient même que leurs titres apparaissent sur les compilations que les maisons de disques faisaient où ils mettaient les morceaux qui avaient le plus marché pendant l'année...NTM, c'était in-compilable...il fallait acheter leurs albums.
Un dernier mot sur la #25 et la pensée pour EAST (R.I.P.) sur la pochette
On aurait vraiment aimé l'avoir dessus...
(la suite arrive ce week-end...)